Double six

2023

Double six.
Une table, quatre personnages, un sac, une pomme, des dominos

Ma première venue à Gonneville date des toutes premières années de ma vie en Normandie, autour de 1995. J’y étais accompagnée d’un ami cinéaste/jardinier, originaire du pays de Caux. C’était un mercredi, jour de marché. Nous sommes entrés dans l’auberge des vieux-plats, vieil établissement cossu et mythique, aux heures glorieuses, où voyageurs, écrivains et artistes se croisèrent tout au long des XVIIIe et XIXe siècles. Ce jour là, la grande salle bruissait d’une étrange animation, mêlant personnes du cru et touristes bohèmes, la plupart jouant aux dominos. Déjà âgée, la patronne des lieux, souriante et raide, coquettement vêtue et solidement maquillée, encaissait les clients derrière le grand comptoir central. Deux femmes, elles aussi âgées, s’activaient au service autour des tables. Je me souviens avoir pensé à l’auberge du Château de Kafka en ce lieu qui flottait hors du temps. 

Près de trente ans plus tard, ce sont la mémoire de cette scène et la vision des joueurs de dominos qui se sont imposées comme point de départ d’une œuvre pour la place du village. 

Cécile Raynal